French drama film directed by Abdellatif Kechiche. It is based on the life of Sarah Baartman, a Khoikhoi woman who in the early 19th century was exhibited in Europe under the name "Hottentot Venus
"Dans Vénus noire (2010), le réalisateur Abdellatif Kechiche opère différemment. Il adopte les conventions du film d’époque pour narrer, à travers un regard froid, glaçant, les cinq dernières années de la vie de Saartjie Baartman. Cette enveloppe fictionnelle retravaille divers éléments – faut-il parler d’archive ? – parmi lesquels le moulage du corps de Sara, « grévinisation » mortifère que le public parisien put contempler jusqu’en 1974, date où il fut retiré (avec les autres restes de la jeune femme) de la galerie d’anthropologie physique du Musée de l’Homme. Le parti pris d’A. Kechiche tend à naturaliser divers documents d’époque. Objet qui focalise les regards, celle que l’on appelait « la Vénus hottentote » est le produit d’un point de vue colonial qui l’animalise et lui refuse le statut de sujet. Dans le générique de fin cependant, le réalisateur rompt avec les conventions qu’il a adoptées tout au long du film. Il donne à voir des extraits des obsèques de Saartjie Baartman, célébrées le 9 août 2002 – après la restitution de son corps par la France à l’Afrique du Sud –, obsèques célébrées en présence du Président Thabo Mbeki, d’officiels et de représentants de la communauté khoi à laquelle elle appartenait. Dans l’ère post-apartheid, cet événement (organisé le jour de la journée des femmes en Afrique du Sud) fit de Sara un symbole national, contribuant à donner au site où elle fut inhumée et d’où elle aurait été originaire le statut de lieu de mémoire8. Avec la double perspective du film d’époque, d’une part, et du générique de fin contemporain, d’autre part, A. Kechiche – en scindant deux temps chronologiquement éloignés – couvre toute la destinée historique de Sara Baartman. Pour ce faire, il joue sur deux modalités narratives distinctes dans le traitement de l’archive : la modélisation biographique par le biais de la fiction filmique correspond au temps de l’exhibition et de l’exploitation de l’Africaine ; les insertions brutes d’extraits d’informations dans le générique montrent, quant à elles, son accès post mortem au statut de sujet."
Crystel Pinçonnat «
De l’usage postcolonial de l’archive. Quelques pistes de reflexión»
Amnis - Revue de civilisation contemporaine Europes/amériques, 13 | 2014